La chimie de Breaking Bad (1) : Blue Sky

Comme la fin de la saison 5 de Breaking Bad est diffusée dans une semaine, je vous propose une petite plongée dans la chimie de cette excellente série.

BrBa

Si l’on jette un oeil à la molécule de méthamphétamine, on trouve trois parties intéressantes:

meth

NB: en notation abrégée, chaque intersection est un carbone, et les atomes d’hydrogènes sont implicites. Les liaisons en coins pleins impliquent des groupes qui sortent du plan vers l’avant, les coins hachés vers l’arrière.

  • Un groupe phényle (rouge) aromatique qui constitue la base de notre molécule;
  • un groupe amine (bleu) constitué d’un atome d’azote (N) lié à plusieurs atomes de carbones et d’hydrogène;
  • un groupe méthyle (vert), soit un atome de carbone et trois d’hydrogène.

L’orientation de ce groupe méthyle est importante car l’effet de la méthamphétamine en dépend; la R-méthamphétamine est un décongestant nasal tandis que la S-méthamphétamine a les effets psychoactifs que l’on sait… (on parle d’énantiomères R et S.)

enantio

I. Synthèse de la Blue Sky par le procédé P2P

Walter et Jesse décident de changer de procédé (précédemment, ils partaient de la pseudoéphédrine) car Walt promet à Tuco une quantité double de méthamphétamine (1.07, « Le Fruit Défendu »), et les amis de Jesse ne peuvent se procurer suffisamment de précurseur.

Le procédé P2P tire son nom du précurseur direct de la méthamphétamine, le phenyl-2-propanone ou phénylacétone, qui est lui-même synthétisé à partir de l’acide phénylacétique. Walt et Jesse partaient directement de l’acide, mais il peut aussi être synthétisé simplement par de multiples méthodes (4.10, « Salud »).

Regardons cette synthèse…

NB: les flèches droites impliquent les réactions et les flèches rouges les trajets des électrons.

L’acide est facile à préparer, par exemple en faisant réagir de l’éthylbenzène avec un sel de dichromate, un puissant oxydant. Le P2P peut ensuite être synthétisé avec de l’anhydride acétique[1] et une base. La réaction dégage du dioxyde de carbone (on parle d’évolution du CO2) et remplace le groupe COO avec un acyl (COMe).

p2p_1
Il faut ensuite remplacer le groupe cétone (C=O) par une amine; avec la méthylamine, on obtient d’abord une imine, c’est-à-dire un azote avec une double liaison à un carbone. A ce stade, nous sommes presque arrivé à la méthamphétamine, mais il manque des atomes d’hydrogènes. Dans ce cas, l’on va parler d’hydrogénation ou de réduction (puisque l’on prépare une amine, on parle d’animation réductive) avec par exemple un mélange d’aluminium métallique et de sel de mercure dans un alcohol (qui agit come donneur d’hydrogène) ou avec de l’hydrogène et un catalyseur métallique (p. ex. du palladium) pour produire la méthamphétamine.

p2p_2

Cependant, la méthamphétamine ainsi produite est un mélange des molécules R et S, alors que seules l’énantiomère S nous intéresse. Il est possible de séparer les deux produits par différentes méthodes comme la cristallisation ou la chromatographie, mais il est probable que Walt ait développé une méthode pour produire l’énantiomère S en majorité (4.1, « Le Cutter »). L’hydrogénation asymétrique est un procédé bien connu (le prix Nobel de chimie 2001 a été attribué à W. Knowles et R. Noyori pour leurs travaux dans ce domaine), Walt aurait-il développé son propre procédé, qui de plus donnerait sa couleur spécifique à son produit?

Et si la formule de Walt avait été développée dans le cadre de Grey Matter et à la source de la réussite d’Elliott et Gretchen Schwartz?

D’autres articles suivront…

Notes et sources

6 réflexions sur “La chimie de Breaking Bad (1) : Blue Sky

  1. André Jenkins dit :

    Ce n’est pas possible de mettre en présence dans une réaction Anhydride acétique + Base car l’anhydride acétique est très acide. Ou alors expliquer moi.

    • mv dit :

      Bonjour,
      L’anhydride acétique est surtout acide par sa capacité à réagir avec des anions basiques OH pour donner de l’acide acétique. Selon la base que l’on va utiliser, il n’y aura pas d’OH avec lesquels réagir, ce qui est bien, car l’on veut que les cations acyls réagissent avec l’acide phénylacétique. En général, les bases utilisées sont des acétates ou des bases organiques/organométalliques ne donnant pas d’OH (voir lien Erowid). De plus, comme la réaction ne se fait pas dans l’eau, ces anions perturbateurs ne sont pas produits.

    • mv dit :

      Bonsoir,
      bien que le but de cet article ne soit pas d’expliquer comment produire de la métamphétamine, je répond : C’est un produit industriel extrêmement courant car utilisé dans la production notamment des styrènes et autres dérivés aromatiques.

  2. pierre dit :

    bonjour,
    je cherche a crée une « molécule » a partir de l’acide pentanoique ou l’acide hexanoique.
    je suis novice en chimie et je cherche a « incorporer » un metthyl H2N en position 4.
    ainsi qu’un H2N ou un ethyl en position 5 pour l’acide pentanoique et en position 6 pour l’acide hexanoique.
    ou un ethyl en position 4 pour l’acide pentanoique et en position 5 pour l’acide hexanoique.

    Merci de me repondre, votre lumiére me sera fort utile.

    • mv dit :

      Bonjour Pierre,
      Je pense que la meilleure solution serait de partir de la lactone ou du lactame (hétérocycles incorporant respectivement un ester et une amide dans leur cycles) les plus proches, faire les modifications (amination, etc.), puis ouvrir le cycle par hydrolyse. Si le cycle comporte des groupes réactifs, comme des oléfines ou des halogénures, la fonctionalisation sera plus facile.
      Il me semble qu’il est possible de fermer/ouvrir le cycle assez facilement, ce devrait permettre d’ajouter les groupes que vous voulez sans toucher à l’acide.

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